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[5] Affirmer l’éducabilité de tous

Le droit à l’éducation, c’est le droit de recevoir mais surtout d’acquérir de l’instruction. Pas de réussir à chaque coup, ni d’apprendre en pressant sur un bouton, mais d’être guidé par le maître aussi loin et longtemps qu’il le faut. Nous ne sommes pas d’accord avec ceux qui veulent refaire l'école en lui demandant de garantir le « droit au redoublement » mais aucun « droit quelconque à la réussite ». C'est une fausse opposition. Ce que l’hôpital garantit, ce n’est ni la guérison, ni la répétition pure et simple des traitements sans effet : c’est le serment des médecins de « tout faire » et de faire « au mieux » pour « rétablir, préserver et promouvoir la santé ». Pourquoi ce raisonnement ne vaudrait-il pas pour l’enseignement ?

Enseigner, c’est donner des leçons, mais s’assurer aussi de l’effet qu’elles font. L’instruction a beau être obligatoire : les apprentissages ne se décrètent pas, et l’élève qui n’a pas suivi, pas compris, pas saisi l’explication n’est pas éduqué réellement. On peut commencer par lui répéter l’énoncé. Si cela ne suffit pas, ajuster ou changer la méthode : poser des questions, donner des exemples, comparer des solutions, les mettre en discussion. L’important, c’est que l’élève apprenne, que l’on atteigne les fins en diversifiant tant qu’il faut les moyens.

Le savoir ne se transmet pas comme un ordre de paiement ou un rhume de cerveau : il exige une activité de celui qui l’entend, une interaction entre ce qu’il croit comprendre et ce que le maître a le projet de lui apprendre. L’UNESCO ne se contente pas du droit, pour l'enfant, de recevoir un enseignement : à quoi sert-il si l'auditeur n’en retient pas un mot ? Les programmes et les méthodes doivent être « pertinents », « appropriés », « adaptés aux besoins » des personnes et des groupes. Ils ne doivent ni s’acharner sur eux, ni les abandonner au prétexte qu’ils font preuve de mauvaise volonté. Les savoir est précieux et en cas de difficulté, c’est « l’intérêt supérieur de l’apprenant qui doit l’emporter ».

Le Manifeste affirme que tous les enfants sont capables de profiter de l’enseignement. Il ne dit pas que tout le monde est surdoué, que chacun peut ou doit aller à l’Université. Il dit que la culture de base ne souffre pas d’exception, que l’école a son propre serment et qu’elle doit « tout faire » et le faire « au mieux » pour promouvoir l’instruction. Elle doit tenir compte des ressources et des besoins des élèves, pratiquer une pédagogie rigoureuse, différenciée, active, qui ne laisse pas de côté telle ou telle minorité au prétexte que ses résultats sont mauvais mais qu’il n’« incombe » pas au maître de l’assumer.

C’est plus exigeant. Pour les élèves qui ne doivent pas se résigner. Pour l’école qui doit moins sanctionner les erreurs qu’imaginer d’autres moyens de les corriger. Et pour le reste de la population, appelée à soutenir les enseignants d’au moins deux façons : d’abord en reconnaissant la complexité de leur travail et en se fiant à leur expertise, leur déontologie, leur usage critique de la recherche en éducation ; ensuite en assumant avec eux ce renversement : chercher comment progresser avec chaque enfant, et non pas lequel mal noter, retarder ou priver de la partie la plus noble des savoirs scolarisés. Former sans exclure est un projet de société : il engage forcément toute la collectivité.

Former sans exclure, janvier 2006

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Moi j’enseigne, mais eux, apprennent-ils ?, par Michel Saint-Onge (Pédagogie collégiale, vol.3, n°4, avril 1990) – La qualité de l’enseignement – Le niveau des élèves – La durée – L’engagement | pdf

Le serment d’Hippocrate, réactualisé. – Tout faire pour promouvoir la santé – Faire au mieux, se perfectionner | html