Chèque scolaire : illusions et mensonges

Au Temps, 3 mai 2007
Pierre-Alain Wassmer, Genève

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Comme le dit Marie-Hélène Miauton dans sa chronique du Vendredi 2 mai 2008 « bien des idées fausses courent sur le chèque scolaire », mais cela est dû aux promoteurs du bon scolaire eux-mêmes, ceux pour qui l’école est un bizness et qui comptent faire leur bénéfice sur les finances publiques. Avec 1100.- à 15000.- par élève, on voit ce que cela va coûter en plus à la collectivité. En effet, il ne s’agirait pas seulement de « rétrocéder » cet argent, mais aussi de payer pour les élèves qui sont déjà en école privée (à Genève plus de 10% des élèves). Sans compter le suivi de ces écoles, car il faut voir où va l’argent public.

Mais l’essentiel n’est pas là. Croire que le bon scolaire produit de la diversité ou une « offre étendue » est tout simplement naïf, il suffit de voir ce qui se passe outre Atlantique : le marché est concentré dans les mains de deux ou trois grosses entreprises qui fournissent des « packages » clé-en-main, proposant des programmes au nom ronflant, qui ont pour caractéristique commune de produire de bons « retours sur investissement ». C’est la diversité « Coca ou Pepsi » qui nous est promise.

Pire encore, affirmer que ce mode de financement est une réponse à une « injustice sociale » relève d’un cynisme choquant, parce que ce que montrent les études sur le libre choix de l’école et le bon scolaire c’est que l’on assiste à une concentration des enfants des classes supérieures dans les meilleures écoles, et une concentration des problèmes dans les écoles des quartiers populaires, c'est-à-dire à une discrimination sociale toujours plus forte. Au point que des familles défavorisées à New-York se battent pour garder des « mauvaises écoles » menacées de fermeture à cause de résultats médiocres, parce qu’autrement elles n’auraient plus de possibilités de formation dans leur quartier.

Dans les pays scandinaves, on trouve certaines formes très réglementées de bon scolaire, mais les écoles privées doivent prouver qu’elles ont un niveau aussi bon et ne pas coûter plus cher que les écoles publiques, et il semble que peu d’écoles y parviennent, ainsi effectivement il n’y a pas d’exode vers le privé. La part des écoles privées est d’ailleurs plus faible dans ces pays qu’en Suisse. La qualité n’est pas facile à obtenir et demande des moyens financiers. Ces moyens, l’école publique en a besoin, car elle garantit la scolarisation de tous dans les mêmes conditions, c’est l’école républicaine ou citoyenne, qui met en avant les valeurs démocratiques. Cette école prépare tous les enfants à être les citoyens de demain, indépendamment de la fortune de leurs parents. Les tenants du bon scolaire sont prêts à briser ce contrat social pour le profit de quelques uns. C’est irresponsable.