Le redoublement, un long fleuve tranquille ?

La Tribune de Genève, 24 mars 2006
Laurent Vité, Genève

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En réponse à une lettre d'Yves Scheller (Tribune du 2 mars), il faut réaffirmer que le redoublement est pour le moins inutile. Le rapport du Service de la recherche en Education qu'il cite (le changement, un long fleuve tranquille), parle de 76% d'élèves doublants qui poursuivent une scolarité normale. Soit. Le rapport ne dit pas ce qu'est cette scolarité normale; il précise même que parmi ces 76%, certains élèves ont pu doubler une deuxième fois dans leur parcours primaire: belle normalité en vérité!

On apprend également que les élèves doublants sont surtout des enfants d'ouvriers et d'employés. Les parents favorisés, qui maîtrisent le système, savent les effets négatifs du redoublement sur leurs enfants et se tournent vers le privé lorsqu'ils savent que l'école publique va leur imposer le redoublement. Monsieur Scheller ajoute "sans trauma". Le rapport précise au contraire que l'impact affectif du redoublement n'a pas été étudié dans ce rapport (p.84).

Répétons-le haut et fort, le redoublement n'est ni juste, ni efficace. Le débat sur le redoublement devient d'ailleurs aussi stérile que celui sur les notes. Mieux vaudrait mettre son énergie sur les moyens alternatifs au redoublement, tels que la différenciation, qui n'a pas encore pu déployer tous ses effets. Gageons que le redoublement sera bientôt rangé aux oubliettes de la pédagogie, comme la pratique de la saignée a été abandonnée par le corps médical.