Redoubler : au mieux inefficace, au pire néfaste

La Tribune de Genève, 10 janvier 2006
Marcel Crahay, Walo Hutmacher & Bernard Riedweg, Genève

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Au moment où la majorité de la commission de l'enseignement du Grand Conseil a décidé d'un contreprojet à l'initiative pour le retour des notes à l'école primaire, l'association Former sans exclure se doit d'avertir la population des risques de ce projet de loi, récemment présenté à la presse.

Alors que les systèmes éducatifs qui conjuguent le mieux efficacité et équité ont banni le redoublement à l'école primaire, le projet de loi le réhabilite en le cachant sous le terme de prolongation de cycle. Cette prolongation pourra avoir lieu chaque année et concernera tous les élèves ayant moins de 4 en français ou en mathématiques. Nous serons donc face à une augmentation des redoublements, alors qu'une décision sage et basée sur les études scientifiques devrait au contraire les restreindre.

En effet, l'ensemble des recherches sur le redoublement montrent que cette mesure est au mieux inefficace, au pire néfaste. Les élèves en difficulté scolaire - qu'ils doublent ou non - continuent de progresser mais ceux qui ne doublent pas progressent davantage. Si les élèves redoublants ont de meilleurs résultats à court terme, l'embellie est de courte durée la plupart du temps. Nombreux sont les élèves qui, suite à un redoublement, sont rongés par un sentiment d'incompétence. L'expérience du redoublement débouche fréquemment sur des phénomènes de résignation. Ajoutons que les élèves qui redoublent une fois redoublent très souvent une seconde fois, avant de grossir les rangs des abandons scolaires.

D'ailleurs, les décisions de redoublement sont arbitraires, parce qu'elles dépendent beaucoup de la classe dans laquelle un élève est inscrit et de son enseignant. Pour des performances identiques, un élève redoublera dans une classe et pas dans une autre. Les cantons alémaniques et le Tessin, les pays nordiques, et l'Italie (et, en particulier, le Val d'Aoste) font beaucoup moins redoubler leurs élèves à l'école primaire qu'à Genève. Ils prennent en charge les différences entre les élèves, ce qui réduit les inégalités.

Tout au long de l'école obligatoire, nous devons miser sur l'hétérogénéité des élèves comme un atout pour leur permettre d'acquérir les savoirs et développer leur appartenance à une communauté enrichie de ses différences. Il ne s'agit pas de sélectionner les élus par quelque mécanisme que ce soit - classements, redoublements, filières hermétiques - mais de cibler les prises en charge pour faire progresser tout le monde, et d'abord les plus faibles.

Pour permettre à tous les élèves d'accéder aux savoirs essentiels, l'association Former sans exclure invite donc les députés du Grand-Conseil à :

Par ailleurs, nous demandons au DIP de tout mettre en œuvre pour