Les cantons les plus chers pour l’école sont aussi les cantons les plus chers pour tous les autres secteurs

Bilan, n°186, juillet 2005
Pierre-Alain Wassmer, Genève

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Dans son article sur l’école en Suisse (Bilan n°184), M. Busslinger nous dit en titre que « les cantons les plus chers sont les moins efficaces ».

Il faudrait dire à vos lecteurs que PISA n’indique pas l’efficacité de l’école. D’abord parce que l’étude PISA sur les cantons est différente de PISA international : dans PISA international, on teste les jeunes de 15 ans, scolarisés ou non, tandis que dans l’enquête des cantons, on teste les élèves de 9e année.

Quelle différence puisque en principe on est en 9e à l’âge de 15 ans. La différence c’est justement le « en principe », car un certain nombre d’élèves ne passe jamais par le 9e année ! C’est le cas notamment pour les élèves qui ont redoublé une année, puis commencent un apprentissage à 15 ans. Ces élèves sont généralement parmi ceux qui ont les plus mauvais résultats scolaires, ce qui améliore le résultat du canton qui a beaucoup de redoublements et beaucoup d’apprentissages. L’amélioration a lieu pour le groupe des élèves les moins bons. Et c’est sur ce groupe que l’on observe des différences entre les cantons romands.

Ensuite, PISA n’indique pas l’efficacité de l’école, parce que si l’on regarde les taux de d’élèves diplômés, on observe que le canton de Genève est celui qui a le plus de certificats secondaires dans le postobligatoire, en particulier pour les maturités gymnasiales. Qui parle de médiocrité ? Qui parle d’exigences ?

Que cela coûte cher à la collectivité, on le savait déjà, car il est évident que les formations professionnelles en entreprises pèse moins sur le budget de l’Etat. Encore faut-il que les entreprises participent à cet effort de formation.

Alors, que nous apprend cet article ? Que les cantons les plus chers pour l’école sont aussi les cantons les plus chers pour tous les autres secteurs, à cause de l’urbanisme, à cause du développement du commerce de luxe, à cause de la crise du logement, à cause de l’afflux de capitaux en tout genre. Quand on veut attirer les contribuables étrangers on dit que c’est une qualité, quand on veut diminuer les budgets publics, on dit que c’est un défaut.

Avec PISA, la question posée n’est pas « voulez-vous une école efficace ? » , tout le monde veut une école efficace , mais « quel est votre principal souci ? Voulez-vous économiser sur les budgets scolaires ou voulez-vous améliorer l’école ? ». Ou plus précisément voulez-vous une politique éducative – une vision pour l’ensemble de la collectivité – ou seulement une politique fiscale ? la diminution des dépenses publiques.

Selon la réponse à cette question les pistes à explorer sont différentes : pour économiser, on connaît les recettes, surtout pour l’éducation qui dépense essentiellement en salaires. Au risque de mettre en péril l’école. Au risque aussi de contribuer à la raréfaction des emplois et à la tendance générale à la déflation par la réduction des salaires (c’est l’effet inverse de la politique de relance keynésienne).

Pour améliorer l’école il faut essayer de la comprendre, et pour cela il faut bien voir la complexité à la fois du système dans son ensemble et de chaque apprentissage en particulier. Pour améliorer l’efficacité du système scolaire, il faut aider les élèves en difficulté, il faut éliminer l’échec scolaire et l’exclusion des plus faibles.

Voilà les vraies solutions, pas de critiquer Genève d’être chère, car la ville la plus chère de Suisse est aussi celle qui rayonne dans le monde entier.